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Vous aurez beau le brandir dans les airs en prenant un air plus ou moins menaçant, ce fusil-là, même chauffé à blanc, ne tirera jamais aucun coup de feu. Car son nom est trompeur : en cuisine et dans les métiers de bouche, le fusil désigne cette grande tige dont on se sert pour redresser la lame des couteaux. Dans la forme, le fusil à aiguiser fait davantage penser à une épée, en réalité : il est composé d’une mèche en acier, en céramique ou en diamant, tenue par un manche surmonté d’une garde.
Son utilisation est simple mais nécessite une certaine technique – voire un petit entraînement. Il suffit de faire glisser la lame du couteau le long du fusil, en faisant alterner les côtés. Le geste, guidé par le poignet, a pour effet de réaligner progressivement le fil du couteau dans l’axe du tranchant de la lame. Ce processus ne remplace pas l’affûtage – qui consiste à enlever de la matière et reconstruire entièrement la lame pour créer un nouveau tranchant – mais, répété au quotidien, il permet de garantir l’efficacité de vos couteaux et de prolonger sensiblement leur durée de vie.
Veille de week-end oblige, l’heure est à la préparation des pièces de viande et à l’installation des vitrines, ce vendredi matin, chez Bos Family Butchers. Dans cette boucherie de la rue Caulaincourt (Paris 18e), le fusil à aiguiser est suspendu à un crochet, au-dessus du plan de travail, de sorte qu’il reste toujours à portée de main. L’ustensile côtoie un mannequin-squelette géant, affublé d’une crête iroquoise et d’une guitare électrique, pendant qu’une petite enceinte enchaîne des morceaux de heavy metal.
« Le fusil à aiguiser exige une excellente dextérité du poignet. Comme pour beaucoup de gestes en boucherie, tout est une histoire de finesse et de précision », précise Simon Bos, le patron franco-anglais des lieux, en même temps qu’il sort une épaule d’agneau de sa chambre froide. Après avoir installé la pièce de viande sur une grande planche en bois, l’artisan décroche son fusil et dégaine un couteau à désosser. L’aiguisage va très vite ; le mouvement est chirurgical. D’une main, Simon Bos tient fermement le fusil à l’horizontale ; de l’autre, il vient frotter plusieurs fois la lame du couteau contre la mèche en cassant son poignet, de façon concentrique.
Une fois bien aiguisé, le couteau plonge dans la chair pour la débarrasser de ses os. Notre boucher fait de nouveau appel au fusil pour aiguiser son éplucheur. Ce dernier lui servira à parer l’épaule d’agneau afin de la débarrasser de ses membranes fibreuses et de l’excédent de gras. Après avoir été roulée, ficelée et agrémentée d’une branche de romarin, l’épaule s’est transformée en rôti prêt à cuire. Le fusil à aiguiser part rejoindre son crochet ; il se balance dans l’air, de gauche à droite, en suivant le riff des guitares et le groove des batteries.
Fusil à aiguiser Fischer 30 cm, mèche ovale, 34,90 €
Léo Bourdin
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